Radié des voies navigables en 1985, le canal de Roubaix, 20 km entre la Deûle à Marquette-les-Lille et la frontrière belge à Leers (Nord), a été remis en service en 2009. Depuis, le petit canal, miraculé des voies navigables, fait la joie des plaisanciers entre berges sauvages, animatons estvales et aménagements flambant neufs.
En 1996, dans son numéro 83, le magazine Fluvial écrivait concernant le canal de Roubaix : « Un canal se meurt ». Le “canal transfrontalier de la Deûle à l’Escaut”, terme qui regroupe le canal de Roubaix côté français et le canal de l’Espierre côté belge, est alors fermé depuis 11 ans et les projets se succèdent pour recycler la voie d’eau. Son emprise accueillera-t-elle des égouts ou une voie rapide ? demande le journaliste de Fluvial. Il faudra bien de la persévérance pour parvenir à rendre aux 2 petits canaux leur statut premier de voie de navigation.
C’est le projet Blue Links (2003-2008), mis en place par, entre autres, Lille métropole communauté urbaine, Voies navigables de France (V.N.F.) et le ministère wallon de l’Équipement et des Transports, qui a finalement permis le retour à la vie du canal de Roubaix et du canal de l’Espierre. Remise en état des ponts mobiles, des passerelles et des écluses, dragage des sédiments, aménagement paysager et du chemin de halage sont réalisés. Le canal de Roubaix retrouve la navigation en 2009, et le canal de l’Espierre en 2011. Beaucoup de chemin a été parcouru depuis.
Presque 12 ans après sa réouverture, le canal de Roubaix, ses 12 écluses en service au gabarit Freycinet et ses ponts mobiles, est en pleine renaissance. Géré par l’Espace naturel métropolitain de la Métropole européenne de Lille (M.E.L.), le canal, raccordé à la Deûle à Marquette-lez-Lille, emprunte d’abord une rivière canalisée, la Marque, puis un canal depuis Wasquehal jusqu’à la frontière belge. Il est prolongé, en Belgique, par le canal de l’Espierre qui rejoint l’Escaut à Espierres-Helchin. En 2012, ce sont 159 bateaux qui ont emprunté le canal de Roubaix, dont 35 à l’occasion de Canal en fête, une manifestation qui célébrait les 10 ans de l’Espace naturel Lille métropole. En 2019, nouveau record de fréquentation lors du rassemblement de 50 bateaux et près de 140 plaisanciers belges organisé par la fédération flamande de plaisance, la Vlaamse Pleziervaart Federatie (V.P.F.).
L’actualité du canal de Roubaix (et de celui de l’Espierre), c’est encore l’arrivée d’un nouvel usager : le castor. Repérée il y a un an lors de travaux sur des digues, sa présence justifie l’interdiction des loisirs nautiques et de s’arrêter ou de s’approcher des berges sur le bief de Leers. Cette nouvelle réglementation est prise en compte dans la modification du Règlement particulier de police (R.P.P.) du canal de Roubaix, qui mentionne également une réduction de la vitesse dans le secteur de la base de loisirs de Marcq-en-Barœul.
« Le rassemblement de 2019, cela a été un port éphémère pour 50 bateaux sur le bief de partage de l’Union et 550 éclusages, 5 jours de défi en termes de ligne d’eau et de personnel », évoque Camille Longueval, gestionnaire d’attractivité territoriale à la M.E.L. « Mais on voudrait voir le canal tout le temps comme ça ! » C’est le succès de ce rassemblement qui décidera la M.E.L. à ouvrir, en 2021, une halte fluviale dans l’écoquartier de l’Union, à la croisée des communes de Roubaix, Tourcoing et Wattrelos. En 2020, la fréquentation du canal dégringole, comme presque partout. Crise sanitaire oblige, le petit canal n’aura vu passer que 19 bateaux l’an dernier. « Il faut dire que la saison n’a commencé qu’en juillet et a été stoppée le 30 septembre », explique C. Longueval lors de la réunion en visioconférence qui a rassemblé gestionnaires, responsables d’association de plaisanciers et plaisanciers belges et français le jeudi 25 mars 2021. « Se sont ajoutés les frontières fermées et le blocage des bateaux à l’étranger. En 2019, nous avions eu 63 % de plaisanciers belges, en particulier grâce au rassemblement de la V.P.F. En 2020, les Français ont été majoritaires à 53 %. »
Pour 2021, année de toutes les incertitudes, tous les espoirs sont néanmoins permis pour la navigation de plaisance, annonce, volontairement optimiste, C. Longueval devant la vingtaine de participants à la conférence. Pour cette nouvelle saison, le canal de Roubaix ouvrira exceptionnellement, non pas le 1er avril, mais le samedi 24 avril 2021 (fermeture le 30 septembre 2021). Ce délai est lié à des travaux sur l’écluse du Sartel à Roubaix.
Ces écluses sont semi-automatiques et déclenchées par les éclusiers. « Les écluses sont ouvertes sur demande, 9 h par jour », précise C. Longueval. « Mais pas question de laisser un plaisancier dans la panade si un problème se présente en dehors de ces horaires. Nous l’accompagnons jusqu’au prochain point d’amarrage. » Elle en profite pour rappeler aux plaisanciers de bien vouloir prévenir de leur arrivée sur le canal au moins 24 h à l’avance. Des télécommandes sont disponibles aux écluses de Quesnoy-sur-Deûle, du Grand Carré et au port de Wambrechies sur la Deûle. Bon à savoir : depuis 2020, un alternat est mis en place à la jonction Deûle-canal de Roubaix, suite à l’installation d’une maison flottante.
En 2021, l’événement majeur sur le canal de Roubaix est sans conteste l’ouverture de la halte fluviale de l’Union. Avant cette création, il n’existait que 4 points d’amarrage sur le canal, à l’écluse de Marcqen-Barœul, à l’écluse du Galon d’eau, à l’écluse de la Masure, ainsi qu’à Leers à proximité du pont du Grimonpont. Mais aucun de ces amarrages, des pontons fixes de 50 m pour 1 à 4 bateaux (et plus à couple), n’est équipé d’eau ou d’électricité, ni gardienné. La nouvelle halte de l’Union est fermée (mais pas gardiennée). Limitée à des escales de 5 jours, elle dispose de bornes eau et électricité (mais pas de sanitaires). « La halte est située dans une partie urbaine du canal, non loin d’une route », précise C. Longueval.
« Elle est donc un peu bruyante, mais ses atouts compensent largement : elle se trouve à proximité des 10 ha du parc de l’Union qui a ouvert en 2020 et du marché de l’Alma le mercredi matin. En juin 2021, une guinguette ouvrait dans la maison éclusière de l’Union. La 1re année, il s’agira d’un bar éphémère, préfiguration d’une vraie guinguette en 2022. » Deux pontons, davantage destinés aux pêcheurs, aux petites activités nautiques et aux promeneurs qu’aux bateaux de plaisance, ont également été récemment aménagés. Le premier est situé en amont de l’écluse du Triest, près du Kayak Wasquehal club. Le second, en amont de l’écluse du Cottigny, permet l’amarrage d’un petit bateau et l’accès au bar-restaurant Goguette, qui offre, dès l’été 2021, salle vitrée, toit-terrasse et terrasse au bord de l’eau dans l’ancienne maison éclusière du Cottigny.
Année des guinguettes pour le canal de Roubaix, 2021 sera aussi une année de travaux. Si un dragage est prévu en 2022, le canal a déjà bénéficié, du 15 au 23 avril 2021, d’un “raclage” : les sédiments ont été repoussés sur les côtés pour ouvrir un chenal de navigation. Le tirant d’eau sera précisé dans l’Avis à la batellerie n° 1 publié en avril 2021 (non encore publié à l’heure où nous écrivons cet article) sur https://enm.lillemetropole.fr. L’hiver 2020-2021 a également vu l’installation de garde-corps à l’écluse du Plomeux et la réfection d’un total de 5 km du chemin de halage à Marcq-en-Barœul, Wasquehal, Roubaix et Leers. Une autre partie du chemin sera bientôt restaurée à Marquette-lez-Lille. Enfin, d’importants travaux ont été réalisés à l’écluse du Sartel, dont le sas a été mis à sec du 15 février au 23 avril 2021. Le sas a été nettoyé de ses embâcles et déchets. Les parties maçonnées ont été rejointées, et les parties bétonnées reprises. Les rainures à batardeau ont été restaurées, les marquages rénovés, et les pierres bleues (extraites en Belgique) qui couronnent les bajoyers ont été remplacées.
Côté animations, l’Agenda annuel de l’explorateur de l’Espace naturel métropolitain prévoit des balades, des ateliers, des spectacles au bord de l’eau, ainsi que des croisières à bord de La décidée. Propriété de la M.E.L., le petit bateau bleu ciel et vert pomme peut habituellement embarquer 18 passagers et rencontre un grand succès auprès des familles. « Même les plaisanciers qui ont l’habitude de naviguer sur le canal devraient emprunter La décidée, je suis sûre qu’ils apprendraient plein de choses sur le canal, sa faune et sa flore », conseille C. Longueval.
Annulé en 2020, le festival “Pile au rendez-vous”, coorganisé par La condition publique et des habitants du quartier du Pile à Roubaix, est programmé du 2 au 11 juillet 2021. Sur le thème de l’Afrique, il proposera concerts, activités nautiques, ateliers nature, cuisine du mondeg Enfin, toujours si la crise sanitaire le permet, la Fête de l’été organisée tous les 2 ans sur le canal, sera consacrée à l’inauguration du nouveau ponton flottant de l’Union, avec initiations aux loisirs nautiques, balades à bord de La décidée et tout plein d’animations. La date sera fixée selon l’évolution de la situation sanitaire.
La réunion annuelle organisée par la Métropole européenne de Lille est également l’occasion de prendre des nouvelles des canaux voisins. Pour le canal de l’Espierre, c’est Alex Cambier, inspecteur des voies hydrauliques au Service public de Wallonie (S.P.W.), qui annonce : « Le dragage du canal a été achevé fin février 2021. Le tirant d’eau est passé de 0,9 m à 1,50 m. La dernière tranche d’abattage des peupliers est terminée. De nouveaux arbres ont été plantés. Et le chemin de halage a été asphalté sur toute la longueur du canal. Des bancs et tables de pique-nique ont été installés. »
Le canal a été ouvert du 1er avril au 31 octobre 2021. Les écluses seront actionnées de 9 h à 18 h, 7 jours sur 7. Marie-Laure Kresec, membre de l’association Réussir notre Sambre, annonce la réouverture du canal de la Sambre à l’Oise pour le 27 juin 2021 : « Sans grande certitude sur la date exacte, car les travaux ont été retardés par les crues cet hiver. Mais on espère voir les plaisanciers revenir nombreux dès cet été ! : En conclusion ? Cette réunion annuelle, même par visioconférence, paraît une sacré bonne idée. Les participants s’y retrouvent avec plaisir et les conversations se prolongent, malgré l’absence de verre virtuel de l’amitié, bien après la fin de la réunion.
Les informations y sont partagées de manière claire, transparente, facilitant visiblement les relations de travail, qui sont, dans ce nord du nord de la France, forcément transfrontalières, parfois bilingues. Le canal de Roubaix mais aussi celui de l’Espierre ou le très attendu canal de la Sambre à l’Oise y gagnent un petit air familier, sympathique, amical, presque familial, qui fait chaud au cœur. Voilà des canaux qui ne manquent pas d’eau, des canaux qui ne manquent pas d’air, de charme et promettent un accueil chaleureux et d’heureuses rencontre.
Texte et photos Virginie Brancotte